La voici allongée sur le marbre luisant qui pavait son
chemin depuis déjà deux semaines. Inerte, ses yeux vides de tout enthousiasme
étaient fixés sur le toit en feuille de bananiers qui surplombait sa silhouette
fantasmagorique. Autour, il n’y avait personne. Seuls les ventilateurs qui
pendaient comme des décorations de Noël créaient un mouvement et une impression
de vie dans ses mèches blondes. Leur vrombissement était assimilable à celui d’un
insecte carnassier. Translucide, elle se rappelait de tout ce qui venait de se
passer …
Tout avait commencé une journée de très forte chaleur, ici
au Mexique. Fidèle à son élégance naturelle, elle avait enfilé une jupe
confortable, sa dernière paire de sandales Prada shoppée à New York, saisi son
argentique et noué son Hermès dans ses cheveux blonds et bouclés. Elle était
prête à partir à la découverte de ce cadre merveilleux qui lui servait de terre
d’asile. Exotique, paradisiaque, beau, elle se trouvait les pieds dans l’essence
même de ce que les philosophes et explorateurs se sont donnés tant de mal à
définir. Devant elle, une étendue sans fin de nuances de bleu et de jeu de
lumière.
Liberté. Armée de son compagnon de voyage, elle tentait d’immortaliser
chaque instant, chaque pas qu’elle faisait dans cet univers de pureté. Tout en
longeant la côte paradisiaque, elle faisait des rencontres de toute sorte,
faune et flore ne faisaient qu’un avec elle et ce décor de plus en plus
mystérieux. Elle sursauta lorsqu’un régiment d’oiseaux sauvages d’un blanc
immaculé lui barra le passage, mais ce n’est pas cela qui allait arrêter son
exploration. Elle s’enfonça alors dans un petit chemin bordé d’une rivière
tropicale. Peu à peu, au fil de sa marche, elle sentit l’inquiétude remonter
dans ses pensées. Elle avait de plus en plus soif et commençait à faiblir
légèrement, à cause de la chaleur.
La pensée que toute beauté, aussi pure et parfaite soit
elle, était fatale occupait désormais tout son champ de réflexion. Elle avait
marché des heures durant pour arriver au milieu de nulle part. Elle se retrouva
supplantée par une forêt tropicale qui s’étendait sur des hectares, sans aucune
possibilité d’issue. La panique envahit son sang. Tout autour d’elle semblait
être menaçant, la plénitude et la beauté du paysage étaient sources de venin
qui allait la faire périr à petit feu.
Elle se mit donc à courir, à zigzaguer entre les arbres, les lianes et les racines qui lui faisaient obstacle. Soudain, elle arriva dans une sorte d’oasis, un hall d’entrée frais, pavé de marbre et d’or, le tout protégé par un toit en feuilles de bananiers. Elle s’effondra net dans ce qui était un tout autre type de paradis. Gisant ainsi dans l’entrée, l’unique maître des lieux se glissa de derrière une plante, rampa le long de ses formes pour venir se loger au creux de son cou mince et fragile. Ce corps reptilien, froid et luisant s’enroula autour de sa figure affaiblie. Le majestueux python régnait sur les lieux, sur cette jungle environnante dont lui seul avait le pouvoir de vie ou de mort sur les visiteurs égarés.
A ce moment précis, elle était encore à moitié consciente, elle ressentait le ventilateur bourdonnant au-dessus de sa tête, prêt à déchiqueter ses restes. La morsure était fatale. Le venin se répandait lentement dans tout son corps. Elle le sentait agir, paralyser ses nerfs, un à un. Elle profita de ces derniers instants pour repenser à son futur proche et lointain. Elle s’éteignit au cœur de ses pensées, comme condamnée à revivre en boucle une histoire sans fin. Cela s’arrêtait ici, dans un cadre merveilleux et immobile.
Une demeure luxueuse, un serpent mesquin et majestueux, des
rapaces gracieux tournoyant au-dessus de la propriété. Le chant des oiseux
venait rythmer la danse des papillons fraîchement éclos. L’un d’eux vint se
poser sur son visage sans vie. Qui a dit que les papillons n’étaient pas des
carnassiers ?
XX Amelie
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